Technocritique : Entre Brisure et Hacking
- lechoduvivant
- 4 juin 2022
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 févr.
Si j’apprécie le travail de Delphine Horvilleur, dont je suis lectrice, « techno-critique », cette conférence me laisse un goût amer. La comparaison opérée ici entre Récit biblique et cyber-sécurité me dérange, dans la mesure où notre rapport à la technologie a pris un tournant inquiètant...
Je suis d’accord avec Delphine Horvilleur lorsqu’elle dénonce par ailleurs l'attaque du langage (nombre limité de caractères, emoji pour s'assurer d'une congruence, qui peu à peu fait disparaître l'Autre) et la dé-liance qui s'opère à travers les liens virtuels… mais la comparaison opérée ici entre Récit biblique et cyber-sécurité me dérange.
À mon sens, « le cloud » est un « vilain nuage » qui n'aurait pas abusé Moïse, qui par deux fois s'est approché du Buisson ardent, pour mieux l'apprécier et en connaître la Vérité. Au cœur de ce feu, Dieu se dévoile. Invisible à nos yeux d’humains, il n’est pas pour autant « virtuel » - et se fera chair en la personne de Jésus pour les chrétiens -. Si effectivement d'une certaine façon, son Message est « codé », on est loin de ce langage binaire partagé dans l'entre-soi technologique, loin de cette "énigme biblique" qui se révèle pour parler aux hommes, quand le numérique parle à leur place, utilisant des datas figeant leurs identités. L'image du bris des Tables de la loi s'oppose, me semble-t-il, au concept même de « société des données » ou plus rien ne peut être effacé ; le data étant à notre société ce que le veau d'or était au mont Sinaï.
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Nous sommes aujourd'hui Isaac, aveugle (parce qu’aveuglé ?) et trompé par sa femme - quand nous avons épousé sans les questionner les nouvelles technologies - offrant « une tablette plutôt que les Tables de la Loi » ; à ceci près que la manœuvre de Rebecca a permis au plan Divin de se réaliser, quand je crois que le numérique nous en éloigne. Il ne s’agit évidemment pas de revenir en arrière, de refuser le progrès mais bien d’interroger celui-ci, qui du reste a disparu du vocabulaire investi par le terme « innovation ». « Si l’on n’arrête pas le progrès », à tout le moins, peut-on le discuter ; quand l’innovation, elle, est en mesure de s’imposer, de manière parfois abrute, simplement parce qu’elle est « déjà là », du nom de Saül, l’idolâtre.
Avec ce qui « est ainsi » et semble inéluctable, d’autant que la modernité a rompu avec « Ainsi soit-il », l’humanité sera-t-elle en mesure d’endiguer cette course folle qui conduit à son anéantissement ?
Si la Bible est en ligne - sans garantie qu’elle le soit encore demain - , je crains que la toile qui dorénavant nous enserre n'empêche grandement les Enfants de la Parole d’accueillir le « data du Ciel » ; que flattant notre ego en quête de reconnaissance, et privilégiant l’émotion au détriment de la réflexion – de la pensée et du miroir - ces liens, parfois choisis, mais aussi imposés, nous amalgament, tout en atomisant notre société. Entre individu privé de son intériorité, et groupe informel qui n’étaye pas - au point qu’on le sur-investisse pour compenser cette carence -, se profile la disparition du lien à l’autre comme à Dieu. Le cloud numérique, je le crains, ne s'accompagne guère de l'arc en ciel qui suit l'orage, et le narratif mensonger des nouvelles technologies n'est qu'un arc fermé sur lui-même empêchant la terre de se relier à ses racines du Ciel. Notre histoire culturelle et cutuelle est menacée par le discours matérialiste du numérique. Brillant sur le plan intellectuel, le présent exercice, utilisant les mots de l’autre, ne suggère-t-il pas que notre pensée s’est d’ores-et-déjà faite « hackée » par la « doxa des nouvelles technologies » ?! Si l’homme doit se laisser « altérer » pour s’ouvrir aux autres - et à sa propre réalité - je crois qu’il est urgent de se demander quelle altération est souhaitable. La cyber-sécurité cache en réalité « l’effraction » que représente le numérique, qui de sollicitations permanentes à l’implantation de puces sous la peau, conduit à dénaturer la condition humaine.
Si atteinte à la vie privée et sécurité des systèmes informatiques sur lesquels reposent aujourd'hui tout le fonctionnement de nos sociétés sont des enjeux importants, ils empêchent de poser la question fondamentale de l’opportunité de cette omniprésence. Ils s'attardent par ailleurs à « amuser la galerie » (RGPD), quand l'enjeu est d'un tout autre ordre, à savoir la sauvegarde de notre Maison commune, des Mots, et la Survie de l'homme.
Si avec talent, Delphine Horvilleur n'a eu aucun mal à relier La Révélation au monde du numérique, c'est précisément parce qu'il veut s'imposer comme nouvelle religion, imitant ses codes, s’offrant telle une idole, soufflant aux Adam et Ève que nous sommes qu'il peut nous offrir de devenir divin ! Le "mot de passe" remplaçant « Me voici » d'Abraham, si le venin de la haine qui prolifère sur le net est à dénoncer, ce qui lui qui sert de support me paraît plus terrible encore, invisible pour ne pas dire indicible, convoquant précisément les Enfants de La Parole pour contre-carrer la super-structure et ses ramifications. Face à la grandeur de l'homme qu'ils ignorent, les tenants du numérique appellent de leurs vœux un "homme diminué", qu'ils pourront "augmenter" à leur guise, "débrancher" en cas d'obsolescence (Fabrica Hadjadj) ou de non paiement...
Bref, la disparition de l'Etre au profit de leur avoir, de l'Humanité pour le triomphe de leur pouvoir, quand bien même devraient-ils aussi être emportés par la vague technologique visant à tous nous faire sombrer !
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